Ces véritables chasseurs d’OVNIs Français ne prennent pas à la rigolade le sujet des OVNIs

22/11/2022

En France, une équipe d'enquêteurs spécialisés dans les ovnis étudie le phénomène depuis 45 ans.

Vincent Costes, du Centre national d'études spatiales (CNES), revient sur l'histoire, les objectifs et les activités de cette entreprise de longue haleine.

En France, le Groupe d'étude et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (GEIPAN), enquête depuis 45 ans sur les phénomènes aériens non identifiés (PAN), plus communément appelés OVNIs. Rattaché au Centre national d'études spatiales (CNES), le GEIPAN a été invité par la NASA à présenter ses activités et ses méthodes de travail devant une équipe indépendante nouvellement créée qui étudiera les données et mettra en place des méthodes d'analyse des phénomènes inhabituels observés dans le ciel.

Créé en 1977, le GEIPAN est une équipe de quatre experts chargés de recueillir des témoignages, de mener des enquêtes, de publier des études, de gérer des systèmes informatiques et de superviser le fonctionnement de l'organisme. Service technique du CNES, il s'appuie sur des personnels, des compétences et des talents extérieurs, en liaison avec de nombreux enquêteurs, experts et institutions, dont l'Armée de l'air, la Gendarmerie et la Police nationales, la Direction générale de l'aviation civile, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Météo-France.

L'existence d'une « Unité Ovnis » en France est entrée dans l'imaginaire populaire ces dernières années, avec la série dramatique humoristique de Canal+ Ovni(s) - terme français pour désigner les ovnis. Dans sa quête de réalisme, la série met en scène le matériel utilisé lors des enquêtes du GEIPAN, dont le « SimOvni », qui nous permet de créer des simulations des phénomènes décrits dans les récits des témoins oculaires.

Qu'est-ce qu'un PAN ?

Les phénomènes aériens non identifiés (PAN en français, UAP en anglais) sont des événements inhabituels, apparemment inexplicables, observés par des témoins oculaires. Ils se présentent le plus souvent sous la forme d'une lumière vive.

Des explications simples peuvent être trouvées pour plus de 60 % des PAN - il s'agit généralement de lanternes en papier, de ballons de fête, de montgolfières, d'avions, de satellites, de météorites, d'étoiles, de planètes, etc. Si ces événements peuvent sembler simples ou banals, il est important de se rappeler que chacune de ces observations enregistrées présente un aspect étrange, unique ou remarquable. Le GEIPAN recueille chaque année 700 rapports de témoins oculaires, dont 150 à 200 restent des enquêtes ouvertes. Tout le monde peut soumettre un rapport en utilisant le formulaire du site Internet du GEIPAN.

La particularité apparente d'un événement peut dépendre de l'environnement et des conditions d'observation. Il peut s'agir de conditions de faible luminosité, d'une absence de son, de turbulences atmosphériques faisant scintiller une étoile de façon étrange, ou de la lumière du soleil se reflétant sur un avion éloigné.

Il existe également des observations plus spectaculaires, comme l'apparition de météorites se brisant dans l'atmosphère. L'un de ces événements atypiques s'est produit lors de la mise en orbite de la grappe de satellites Starlink, qui a donné lieu à de nombreux rapports faisant état de taches lumineuses se déplaçant en ligne, et d'autres évoquant un « orbe lumineux ». La série de points correspondait à la mise en orbite des 50 à 60 satellites eux-mêmes, observés au coucher ou au lever du soleil, lorsque le ciel était plus sombre et que le soleil se reflétait sur les satellites. L'orbe correspondait au deuxième étage de la fusée Falcon 9, qui a lancé les satellites en orbite. Les propulsions de cet engin spatial créaient, toutes les une à deux secondes, une bulle de gaz qui apparaissait ensuite sous forme de sphère lumineuse dans le ciel nocturne, sous la lumière du soleil couchant ou levant. A côté de cette sphère, une tache brillante, parfois en forme de papillon, provoquait l'évacuation de l'oxygène et du kérosène restants du deuxième étage de la fusée avant sa rentrée dans l'atmosphère.

Les rapports de PAN peuvent également être le résultat d'une simple erreur d'interprétation. Un astronome amateur peut capturer une image de haute qualité d'un flash brillant dans le ciel, mais les applications d'astronomie populaires ne possèdent pas suffisamment de données pour offrir une explication. Dans ce cas, seul le service interne de surveillance spatiale du CNES a pu prouver la présence de l'étage d'une fusée reflétant les rayons du soleil. Même la bougie vacillante d'une lanterne en papier peut être perçue comme un objet filant dans le ciel à une vitesse extrême.

Pour comprendre et expliquer les observations que le GEIPAN reçoit, nous nous appuyons sur des outils et des applications dans divers domaines, de l'aéronautique à l'aérospatiale (pour les satellites et les débris), l'astronomie (pour les étoiles et les météorites), la météorologie, le traitement d'images, etc.

Des explications raisonnables sont trouvées pour environ deux tiers des phénomènes observés, mais le tiers restant reste non résolu en raison d'un manque d'informations pour analyser le rapport et produire une explication. Il y a ensuite les « cas D », qui représentent environ 3 %, pour lesquels nous disposons de suffisamment d'informations mais n'avons pas trouvé d'explication. C'est alors que nous considérons que toutes les hypothèses que nous avons formulées et analysées ne sont pas concluantes.

La méthodologie du GEIPAN

L'objectif du GEIPAN est clair : présenter ou tenter de présenter une réponse rationnelle aux événements incompris, inhabituels et parfois spectaculaires repérés par les témoins, et expliquer les raisons de leur irrégularité présumée.

La réalisation de cet objectif passe par trois phases principales. Il s'agit essentiellement de recueillir des témoignages, de réaliser des études techniques et de publier des rapports d'analyse sur le site du GEIPAN, tout en préservant l'anonymat des témoins.

  • Chaque mission commence par un rapport, qu'il soit soumis via notre site Internet ou dans un commissariat de police local. Qu'il s'agisse de photos ou de vidéos, les rapports contiennent toujours des données spécifiques telles qu'elles ont été observées par un être humain. Comme pour les autres types de mesures scientifiques, les données contiennent des « interférences de mesure », qui varient fortement selon les individus. Parfois, le récit est d'excellente qualité, mais des facteurs tels que les émotions, les souvenirs et les croyances peuvent modifier, voire déformer, les perceptions d'un témoin. Notre priorité est de filtrer ces interférences afin d'isoler les données factuelles.
  • Ensuite, nous étudions le récit du témoin oculaire et sa cohérence. Plus la qualité et la quantité d'informations rapportées augmentent, plus leur irrégularité tend à diminuer. À ce stade, nous utilisons la base de données informatique GEIPAN ainsi qu'une multitude d'applications techniques et de logiciels. Il s'agit aussi bien d'outils d'usage public que de l'expertise développée par nos partenaires, notamment l'Armée de l'air française (pour la reproduction des trajectoires de vol), Météo-France (pour les conditions météorologiques précises) et le CNES lui-même (pour le suivi de haute précision des satellites et des débris).
  • Enfin, nous effectuons parfois un travail de terrain, qui nous permet d'analyser plus précisément les conditions de l'observation et de mener un entretien cognitif avec le témoin oculaire. L'objectif de ces entretiens est d'étoffer le récit, en révélant les informations les plus fiables possibles, sans pour autant les déformer. Développée et enseignée par notre expert psychologue, cette méthode est précieuse au GEIPAN. Pour les cas les plus délicats, notre panel d'experts pluridisciplinaires est convoqué pour faire avancer l'étude et décider collectivement de sa conclusion.

En collaboration avec le corps d'experts indépendants de la NASA, le GEIPAN français va, dans les prochains mois, détailler ses méthodes et partager ses données. Cela permettra aux deux groupes d'explorer des phénomènes qui résistent aux explications faciles, d'examiner les risques aériens connexes et de formuler des recommandations pour les futures études.

Traduction de The Conversation par Astro Univers

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