Réforme des retraites. Les violences policières dénoncées par des ONG de défense des droits humains

26/03/2023

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains dénoncent les brutalités policières lors des manifestations émaillées de violences contre la réforme des retraites. Les autorités françaises mettent « à mal le droit de contestation des citoyens en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique », accuse la Ligue des droits de l'homme. 

Déploiement policier, à Lorient (Morbihan), lors de la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 23 mars 2023, émaillée de tensions. © Thierry Creux / Ouest-France
Déploiement policier, à Lorient (Morbihan), lors de la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 23 mars 2023, émaillée de tensions. © Thierry Creux / Ouest-France

Après deux mois de mobilisation en France contre la réforme des retraites du président Emmanuel Macron, les manifestations émaillées de violences ces derniers jours se sont accompagnées de brutalités policières, selon plusieurs organisations de défense des droits humains. 

Une accusation reprise vendredi par la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović. « Les actes de violence sporadiques de certains manifestants ou d'autres actes répréhensibles commis par d'autres personnes au cours d'une manifestation ne sauraient justifier l'usage excessif de la force par les agents de l'État. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion », a-t-elle affirmé.

Les organisations non gouvernementales (ONG) se sont montrées beaucoup plus virulentes : « Le glissement autoritaire de l'État français, la brutalisation des rapports sociaux par le truchement de sa police, les violences de tout ordre et l'impunité sont un scandale majeur », a tonné vendredi le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Patrick Baudouin. Les autorités françaises mettent « à mal le droit de contestation des citoyens en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique », accuse la LDH.

De son côté, l'ONG Human Rights Watch critique « le contrôle abusif des foules et des tactiques anti-émeutes ».

Blacks blocs

Pour le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, la police ne fait toutefois que réagir à la « radicalisation » de « casseurs » issus de « l'extrême gauche », des « factieux » qui infiltrent les manifestations pour causer des émeutes.

L'Agence France-Presse (AFP) a vu de nombreux jeunes aux visages masqués mettre feu à des poubelles, détruire des vitrines, ou encore lancer des pierres ou des feux d'artifice sur les forces de l'ordre. Quelque 1 500 « casseurs » membres des black blocs avaient infiltré le cortège parisien jeudi, selon les autorités, qui font aussi état de 441 policiers et gendarmes blessés lors des manifestations dans toute la France ce jour-là.

Enquêtes sur des policiers

Onze enquêtes sur des policiers ont été ouvertes, a toutefois reconnu le ministre. « Il se peut que, individuellement, les policiers et les gendarmes, souvent sous le coup de la fatigue, commettent des actes qui ne sont pas conformes à ce qu'on leur a appris », a-t-il encore avancé, tout en soulignant le travail « formidable » des forces de sécurité pour « éviter un mort ».

Plus de 450 personnes ont été arrêtées jeudi dans la journée de manifestations la plus violente depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites, repoussant l'âge de départ de 62 à 64 ans.

Depuis le passage en force du gouvernement la semaine dernière sur la réforme des retraites, finalement adoptée lundi sans vote de l'Assemblée nationale, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des policiers français poussant et frappant des manifestants.

« Les autorités françaises n'ont apparemment pas tiré de leçons et n'ont pas revu leurs politiques et pratiques de contrôle des foules » depuis les manifestations des Gilets jaunes en 2018-2019, auquel le mouvement actuel est souvent comparé, a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice de Human Rights Watch France.

Testicule amputé

Au moins trois enquêtes pour violences par personne dépositaire de l'autorité publique ont récemment été ouvertes par le parquet de Paris, selon une source proche du dossier. L'une d'elles l'a été le 14 mars après un dépôt de plainte par la mère de Fanny, une lycéenne de 15 ans, qui a reçu un projectile, qu'elle pense être un éclat de grenade de désencerclement, sur le front, lors d'une manifestation le 11 mars. Selon sa plainte, dont a eu connaissance l'AFP, deux policiers lui ont aussi donné des coups de matraque alors qu'elle était assise par terre.

Une autre vise un coup de poing qu'a asséné un policier au visage d'un manifestant lundi soir à Paris, capté par une vidéo largement relayée sur internet. Selon des rapports des groupes de défense des droits humains, la police aurait aussi blessé un homme si gravement qu'il a dû se faire amputer un testicule.

Les forces de l'ordre n'interviennent que lorsque des groupes se forment « en vue de commettre des violences », avait commenté plus tôt cette semaine le préfet de police de Paris, Laurent Nunez.

Source : ouest-france.fr

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